Maïs fourrage : « Un silo mal tassé monte rapidement à 15 % de freinte »
Au-delà des pertes en volume, les défauts de tassement sur le silo entraînent une baisse des valeurs alimentaires. Une partie de l’amidon digestible est consommée par la flore aérobie, et l’échauffement favorise la lignification des fibres.
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
« Autour de Lille, ensiler 25 ha de maïs, c’est rentrer l’équivalent de 50 000 € de fourrages en une journée », lance Laurent Fossaert, technicien productions animales au sein de la coopérative Unéal. Il faut admettre que le secteur est privilégié : « c’est une zone où l’on peut facilement faire 17 t MS/ha », précise Gaëtan François, responsable technique ruminants pour la coopérative. Mais peu importe le potentiel des sols, le constat reste le même : « quand on ensile du maïs, on joue au moins la moitié de sa ration annuelle en une journée ». Alors récolter n’est pas tout. Encore faut-il préserver la qualité.
Une moyenne à 234 kg MS/m3 au centre
Selon les confections de silo, les pertes peuvent aller du simple au double. Des mesures réalisées sur des fronts d’attaque par Chloé Bouckaert, en stage au sein de la coopérative, en témoignent. « Sur 28 silos couloirs testés, on constate un tassement moyen de 234 kg MS/m3 au centre et 195 kg MS/m3 sur les côtés, mais avec des écarts de plus ou moins 40 kg selon les tas ». Malgré les incitations à redoubler de vigilance sur le tassement, c’est bien souvent l’ensileuse qui donne le rythme du chantier, et pas le tasseur.
« Le premier constat, c’est que l’on ne tasse pas assez dans les coins », note le conseiller, qui propose aux tasseurs de « travailler en U ». Systématiquement, la densité est moindre sur les extrémités. « Les recommandations d’Arvalis sont autour de 240 kg MS/m3. Sur certains essais en ferme, on tourne autour de 160 kg MS/m3 dans les coins ». En d’autres termes, le maïs est étalé, et non tassé.
Le second constat reste l’hétérogénéité de la qualité des silos. « Il y a un écart de 80 kg MS/m3 entre le silo le plus tassé et le moins dense ». Cela s’explique parfois par des silos mal dimensionnés. Les stabulations se sont agrandies, le stockage pas toujours…
15 % de freinte sur 25 ha de maïs fourrage à 17 t/ha, c’est 7 500 € qui s’envolent
Pourtant, le tassement n’est pas qu’une question de conservation du fourrage. Il devient rapidement une problématique économique lorsqu’on se penche sur les taux de freinte. « Un silo bien fait, c’est 7 % de perte », rappelle Gaëtan. Cela correspond à la consommation naturelle du silo pour atteindre les conditions anaérobiques, couplées aux pertes liées à l’exposition du front d’attaque à l’air. Mais en cas de défaut de tassement, elles peuvent aller du simple au double. « On peut facilement avoir 15 % de perte. Et 15 %, sur une valeur de stock de 50 000 €, ça représente tout de même 7 500 € », insiste Laurent.
D’autant que la perte ne se limite pas au volume. « On perd en valeurs alimentaires » tranche le conseiller. L’énergie, c’est bien souvent ce qui limite la production laitière. Sur un silo mal tassé, la flore aérobie utilise les sucres de l’amidon pour se développer. L’éleveur perd en amidon digestible, et donc en énergie. Un silo qui chauffe, c’est également un risque mycotoxine accru, voire une diminution de l’amidon by-pass. Du côté des brins de maïs, l’échauffement entraîne une augmentation du taux de lignine. S’ensuit une baisse de la digestibilité. Ces pertes ne peuvent pas toujours être corrigées par le rationnement.
Deux tonnes sur le silo par rang d’ensileuse
Pour dimensionner son chantier, on peut raisonner en fonction de l’ensileuse : « compter 2 tonnes de poids au silo par rang sur la coupe ». Autrement dit, avec une 10 rangs au champ, viser les 20 tonnes sur le tas. Il est également possible de raisonner selon ses rendements. Viser, au strict minimum, un tiers du poids de ce qui est rentré par heure sur le silo.
Enfin, si le tasseur est dépassé, il est toujours possible de demander au chauffeur de l’ensileuse de faire une petite pause. « Je sais qu’au quotidien, c’est très difficile d’arrêter » tempère Gaëtan. « Il y a beaucoup de monde qui gravite autour des chantiers, de l’inertie, les entrepreneurs qui ont également des contraintes… » complète Laurent. Pourtant, les quelques minutes d’arrêt peuvent vite être rentabilisées. « On a toujours peur de payer une demi-heure d’ensileuse en plus, et pourtant, comparé à la freinte potentielle, on en ressort toujours gagnant ».
Tenter les conservateurs ?
D’après un sondage Web-agri, l’utilisation des conservateurs d’ensilage se développe : 49 % des éleveurs en utilisent (431 répondants entre le 1er et le 8 juillet 2025, échantillon non redressé). Pour les conseillers, leur usage est un plus. « Ils permettent d’acidifier rapidement le silo pour limiter la perte sur les premiers jours, mais également de limiter les pertes au front d’attaque ». Si un front d’attaque stabilisé peut rester jusqu’à 42 h sans échauffement, les conservateurs d’ensilages annoncent une autonomie de 140 h.
« On est sur quelque chose qui devient de plus en plus pertinent avec la succession d’étés chauds. Ça permet de limiter l’échauffement de la ration, et donc de préserver l’ingestion ».
Les conservateurs ont un coût : compter autour de 2 € la tonne de matière brute. « Dans un contexte où le lait est porteur, je trouve que ça se défend. Ils permettent de se positionner sur une qualité de ration qui permet d’aller chercher des kilos de lait supplémentaires ».
Leur intérêt est à regarder en fonction des volumes de freinte évités, et de la préservation de la qualité du fourrage. « On est sur des inoculants qui stimulent la production d’acide lactique pour avoir une baisse rapide des pH. Cela permet d’accélérer l’arrivée de l’anaérobie », détaille Gaëtan. « La production d’acide acétique sur le front d’attaque inhibe ensuite le développement des levures et moisissures ». Quoi qu’il en soit : « le produit n’est pas miracle, il ne dispense pas de tasser » rappelle Laurent. « Ça ne mange pas de pain d’essayer sur un silo, l’éleveur jugera par lui-même ».
Mais attention, l’ensileuse doit bénéficier d’un dispositif pour intégrer l’inoculant. « Si c’est pour le mettre à la main entre deux bennes, autant ne rien faire » note le technicien. Les nouvelles Jaguar sont maintenant équipées de la technologie, et de plus en plus d’entrepreneurs s’en dotent dans les régions d’élevage.
Pour accéder à l'ensembles nos offres :